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La Gazette de la Société et des Techniques - N°69 - Novembre 2012
Cependant, la volonté politique de présenter la facture
aux consommateurs-électeurs manque parfois... Ainsi, en
France, l’explosion des obligations de rachat d’électricité
photovoltaïque aurait théoriquement dû conduire à un
doublement de la CSPE (Contribution au service public
de l’électricité) entre 2010 et le 1
er
semestre 2011. Cette
augmentation est loin d’avoir été entièrement répercutée sur
les consommateurs, comme le montre la figure ci-dessous
suite à l’explosion des obligations de rachat d’électricité
photovoltaïque : le doublement théorique de la CSPE entre
2010
et 1
er
semestre 2011 n’a pas été appliqué.
En Espagne, le déploiement des énergies renouvelables s’est
fait à plus grande échelle que dans notre pays. La situation
économique étant bien plus dégradée qu’en France, le
gouvernement espagnol a refusé d’augmenter les tarifs de
l’électricité, et le système
électrique a accumulé un déficit
qui s’élève fin 2011 à près de
25
md€. Les acteurs du secteur
ayant des difficultés à financer
ce déficit, il a été créé une caisse
d’amortissement se finançant
sur le marché obligataire avec
la garantie du Trésor espagnol.
Le déficit a ainsi été transféré
des consommateurs aux
contribuables espagnols...
Devant le coût des obligations
d’achat et l’ampleur de leur
impact sur les prix, une réduction
drastique des tarifs de rachat
de l’électricité photovoltaïque
a été décidée en France et en
Allemagne. Le ministre de
l'Économie allemand Philipp
Rösler, estimait ainsi en mai
2012
qu’il était anormal que
«
la moitié des subventions aux
renouvelables aillent à une énergie
qui fournit 3 % de l'électricité
».
L'industrie en porte-à-faux
Les fonds considérables mobilisés pour le déploiement des
énergies renouvelables sont censés favoriser le développement
d’une filière industrielle locale. Mais la Chine n’a pas hésité à
subventionner massivement ses industriels, ce qui a conduit à
une surproduction importante de panneaux photovoltaïques
en 2011 il en a été produit deux fois plus qu’il n’en a été
installé – et à un effondrement des prix. Conjugué à la forte
baisse des tarifs de rachat visant à limiter les effets d’aubaine,
cet effondrement des prix a pris les constructeurs européens
dans un effet ciseau qui a entraîné de nombreuses faillites.
En effet, lamise en forme simple de siliciumde qualitémoyenne,
la chaudronnerie, oumême l'électronique de puissance sont des
technologies matures, industrialisées depuis des années. Ces
fabrications ne sont donc pas des activités à très forte valeur
ajoutée, et le coût du travail représente une part significative
du coût de revient total. Dès lors, la concurrence de fabricants
chinois aidés par l’État et bénéficiant d’un coût du travail plus
faible a mis les fabricants européens en grande difficulté.
Il est possible de remédier aux travers de ces politiques
de subvention de la demande, une fois qu’ils ont été bien
identifiés : en France, le développement de l’éolien
offshore
s’accompagne d’un contrôle des volumes produits, et donc
du coût de la politique de soutien. En outre, les cahiers des
charges imposent des conditions sur l’implantation des usines
et la localisation de la production. Certains champs n’ont
pas été attribués, quand les prix proposés étaient trop élevés.
Notons enfin que les éoliennes marines de grande puissance ne
sont pas encore un produit courant, et des efforts d’innovation
significatifs restent à fournir. Des baisses de prix significatives
peuvent donc encore être attendues.
Une augmentation des à-coups pour le système
électrique
Quoi qu’il en soit, lamise enplace d’unmécanisme économique
viable permettant le déploiement de la production d’électricité
«
renouvelable » n’est pas à lui seul suffisant à assurer la
transition vers le « tout renouvelable ». L’un des enjeux du
système électrique est de pouvoir faire face aux variations
rapides de la demande, et cette volatilité de la demande
est vouée à augmenter à mesure que les consommateurs
utiliseront l’électricité pour remplacer des hydrocarbures
devenus coûteux.
La diffusion de véhicules
hybrides ou électriques et le
remplacement du fioul de
chauffage par des radiateurs
électriques ou des pompes à
chaleur tendent, d’une part, à
réduire les émissions de CO
2
(
à condition évidemment de
produire une électricité peu
émettrice de CO
2
),
et d’autre
part à faire augmenter la
demande d’électricité.
En particulier, ces évolutions
contribueront à accroître les
phénomènes de pointe : car un
soir d’hiver, le consommateur
moyen, une fois rentré à la
maison, branche sa voiture
dans son garage avant d’allumer
son four électrique, etc. Si les
technologies qui permettraient
de lisser dans une certaine
mesure la pointe existent bien,
il n’existe pas aujourd’hui
de
business model
pour leur
déploiement à grande échelle,
et de sérieux doutes subsistent quant à leur acceptabilité par
les consommateurs.
On désigne sous le vocable générique de «
smart grids
»
des technologies censées résoudre à la fois les problèmes
nouveaux posés par l’intégration dans le réseau des sources
intermittentes, et les problèmes classiques posés par la
volatilité de la demande. Le réseau actuel n’est pas pour
autant un « réseau idiot ». Les opérateurs centralisent
depuis longtemps les prévisions de consommation et les
offres de production, puis optimisent le fonctionnement
du réseau et les stockages d’énergie hydraulique. Ce système
tire déjà parti des prévisions météorologiques et parvient
à prédire avec précision la consommation des clients. Un
«
smart grid
»
n’apportera pas davantage de services dans
ce domaine.
Evolution de la CSPE réelle et théorique – Source CRE
"
Lorsque les énergies
intermittentes représenteront
une part significative du parc
de production, la gestion
des fluctuations de l'offre
et de la demande d'électricité
demandera des capacités
d’effacement, d’appoint
et de secours équivalentes
à plusieurs dizaines
de centrales nucléaires !"