Vent de Colère !
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FEDERATION NATIONALE
Président : Alain BRUGUIER Chemin des Cadenèdes 30330 SAINT LAURENT LA VERNEDE
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Toutefois, cette situation a évolué dans la mesure où la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 a substitué la CSPE au
FSPPE. Dès lors, la modification du mode de financement du dispositif d’obligation d’achat aurait dû donner lieu à
une nouvelle analyse juridique laquelle aurait permis de requalifier ce dispositif en aide d’Etat.
Par conséquent, la question procédurale de la notification du régime d’aide d’Etat à la Commission européenne
n’est que la conséquence de la problématique fondamentale et préliminaire de la qualification du dispositif.
Une circonstance atténuante peut être toutefois trouvée à l’absence d’analyse suite à la modification du cadre
juridique du financement du dispositif d’obligation d’achat.
En effet, ce n’est qu’en 2008 que la CJUE elle-même a modifié sa jurisprudence comme a tenu également à le
rappeler le Conseil d’Etat.
Ainsi, dans son arrêt Essent Netwerk Noord BV (CJUE, C-206/06, 17 juillet 2008), la Cour de justice a précisé que
«
72.
Ces diverses circonstances distinguent la mesure en cause dans l’affaire au principal de celle visée dans
l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C-345/02, Rec. p. I-7139). Les fonds en cause dans cette affaire, utilisés pour
une campagne publicitaire, avaient été collectés par un organisme professionnel auprès de ses affiliés bénéficiaires
de la campagne, au moyen de contributions affectées obligatoirement à l’organisation de cette campagne (arrêt
Pearle e.a., précité, point 36). Il ne s’agissait, dès lors, ni d’une charge pour l’État ni de fonds demeurant sous le
contrôle de l’État, au contraire du montant perçu par SEP, qui a pour origine une taxe et ne peut pas avoir d’autre
affectation que celle prévue par la loi.
73.
Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Pearle e.a., précité, si les fonds étaient collectés par un
organisme professionnel, la campagne publicitaire était organisée par une association privée d’opticiens, avait un
objectif purement commercial et ne s’inscrivait nullement dans le cadre d’une politique définie par les autorités
(
arrêt Pearle e.a., précité, points 37 et 38). Dans la présente affaire au principal, en revanche, l’attribution du
montant de 400 millions de NLG à la société désignée a été décidée par le législateur.
74.
De même, la mesure en cause est différente de celle visée dans l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra
(
C-379/98, Rec. p. I-2099), dans lequel la Cour a jugé, au point 59, que l’obligation, faite à des entreprises privées
d’approvisionnement en électricité, d’acheter à des prix minimaux fixés l’électricité produite à partir de sources
d’énergie renouvelables n’entraîne aucun transfert direct ou indirect de ressources d’État aux entreprises
productrices de ce type d’électricité. Dans ce dernier cas, les entreprises n’étaient pas mandatées par l’État pour
gérer une ressource d’État, mais étaient tenues d’une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières
propres
».
Par conséquent, la Cour de justice a conclu que les montants versés constituaient une intervention de
l’État au moyen de ressources d’État.
Dès lors, c’est notamment à compter de 2008, suite aux précisions apportées par la Cour de justice dans son arrêt
Essent par rapport à son arrêt PreussenElektra que la question de la qualification du dispositif d’obligation d’achat
aurait dû être sérieusement menée. Cela est d’autant plus le cas que l’arrêté du 17 novembre 2008 ainsi qu’une
série d’arrêtés portant sur les tarifs d’achat d’autres énergies renouvelables, étaient postérieurs à l’arrêt Essent de
la CJUE. Ce travail de qualification aurait permis de prévenir l’insécurité juridique dans laquelle se trouvent les
filières des énergies renouvelables en France.
Les conséquences d’une annulation de l’arrêté tarifaire
Compte tenu de la jurisprudence de la CJUE et du
raisonnement même suivi par le Conseil d’Etat dans ses arrêts du 21 mai 2003 et du 15 mai 2012, il est probable
que la CJUE qualifie le dispositif français de financement du dispositif d’achat d’aide d’Etat. Au demeurant, c’est
dans ce sens que s’est prononcé le rapporteur public dans le cadre du recours contre l’arrêté tarifaire éolien. Or,
dans la mesure où une aide d’Etat n’est en principe légale que sous réserve de la notification préalable du projet à
la Commission européenne et l’obtention d’une décision de compatibilité, le Conseil d’Etat devrait déclarer le
dispositif non compatible avec le marché commun, du moins pour défaut de notification. Dès lors, l’arrêté tarifaire
devrait être annulé par le Conseil d’Etat. Dans ce cadre, la question de la rétroactivité ou non de l’annulation de cet
arrêté est secondaire. En effet, toute aide d’Etat non notifiée doit en principe donner lieu à un remboursement de la
part des bénéficiaires, y compris donc pour les contrats en cours. Toutefois, il y a lieu de prendre notamment en
compte un tempérament à ce principe. En effet, la Commission européenne a pu, sur le fondement de la
jurisprudence de la Cour de justice, accepter qu’une aide déclarée pourtant illégale ne soit pas récupérée dans le
cas où l’Etat a légitimement pu considérer que la mesure ne constituait pas une aide. Cela a été, par exemple, le
cas pour un mécanisme proche mais qui n’avait pas été qualifié d’aide d’Etat par la Commission européenne.
Ainsi dans sa décision n°2003/883 du 11 décembre 2002 concernant les Centrales de trésorerie mis à exécution
par la France (
C 46/2001, JOUE n°L330/23 du 18 décembre 2003
),
la Commission européenne a indiqué que « […]
la position prise par la Commission dans le passé, à l’égard de certaines mesures fiscales en faveur des
multinationales, a pu susciter, dans le chef des autorités françaises et des bénéficiaires du régime, la confiance
légitime que le régime des centrales de trésorerie était compatible avec les règles applicables en matière d’aides
d’État. La Commission constate que la récupération de l’aide irait à l’encontre du principe général de respect de la
confiance légitime et, par conséquent, renonce à exiger cette récupération
».
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