Vent de Colère !
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FEDERATION NATIONALE
Président : Alain BRUGUIER Chemin des Cadenèdes 30330 SAINT LAURENT LA VERNEDE
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Tarif d’achat éolien : Anticiper la décision de la cour de justice européenne
Mardi 06 Novembre 2012 – Patricia LAURENT
L’adoption au Sénat, par une majorité de circonstance, d’une motion d’irrecevabilité aboutissant au rejet de la
proposition de loi sur la tarification de l’énergie, qui contenait des dispositions concernant l’éolien, a suscité une
vive émotion.
Mounir Meddeb, avocat au Barreau de Paris, fondateur d’Energie-legal, cabinet d’avocats
dédié au secteur de l’énergie,
évalue l’impact réel de ce rejet pour la filière éolienne et analyse la question
déterminante des tarifs d’achat qui n’est à ce jour pas traitée.
1.
Les mesures en matière d’éolien prévues par la proposition de loi ne constituent pas la première urgence
La proposition de loi telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale le 4 octobre 2012 contient trois mesures en faveur
de l’éolien :
-
Suppression les zones de développement de l’éolien au sein desquelles les installations éoliennes doivent être
situées afin d’avoir vocation à bénéficier du dispositif d’achat d’électricité ;
-
Suppression de la condition des cinq mâts pour la constitution d’unités de production éolienne ;
-
Instauration d’une dérogation à la loi « littoral » afin de permettre le raccordement des installations éoliennes en
mer et l’implantation d’éoliennes dans les DOM.
Ces mesures sont d’inégale pertinence et certaines pourraient être discutées. Quoi qu’il en soit, en prévenant le
contentieux et rendant possibles certaines installations, les mesures prévues devraient être de nature à favoriser la
filière éolienne.
Le rejet par le Sénat de la proposition de loi sonnerait-il le glas de ces mesures ?
Les commentaires
alarmistes qui ont suivi le rejet par le Sénat de la proposition de loi devraient être modérés dans la mesure où le
principe de ces dispositions n’est pas remis en cause. En effet, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ces
mesures n’ont pas fondamentalement contestées. En revanche, a été contesté, d’une part, le recours à des
cavaliers législatifs, source potentielle d’une censure partielle par le Conseil constitutionnel et, d’autre part,
l’insertion d’amendements portant ces dispositions postérieurement à l’adoption du rapport du rapporteur et trois
jours seulement avant la séance publique. N’étant pas remises en cause en tant que telles, ces dispositions
devraient être adoptées dans le cadre d’une future mouture en veillant à éviter les deux travers visés ci-dessus.
Quelle que soit leur pertinence, ces mesures ne seront pas à elles seules de nature à redynamiser la filière
éolienne et à favoriser l’émergence de nouveaux projets. En effet, la proposition de loi ne répond pas à la question
fondamentale de la sécurisation des tarifs d’achat
.
2.
La nécessaire sécurisation des tarifs d’achat n’est toujours pas traitée
Sans garantie de la pérennité des
tarifs d’achat, les investisseurs et les organismes de financement ne seront pas incités à développer et à participer
à des projets d’installations éoliennes. Il est inutile dans ce cadre de commenter de nouveau l’arrêt du Conseil
d’Etat du 15 mai 2012 (
Association Vent de Colère! Fédération Nationale et autres, n°324852
)
pris dans le cadre du
recours en annulation contre l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les tarifs d’achat pour l’électricité produite par des
éoliennes.
La difficulté ne vient pas d’un problème de procédure mais de qualification juridique
Mais il est important de
rappeler que, conformément à loi n° 2000-108 du 10 février 2000, le soutien des énergies renouvelables était
financé par le fonds du service public de la production d’électricité (FSPPE). Ce fonds était alimenté par des
contributions versées par les producteurs, les fournisseurs et les distributeurs. Saisi par l’Uniden dans le cadre d’un
recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 8 juin 2001 fixant les conditions d’achat de l’électricité
produite par les installations éoliennes, le Conseil d’Etat a jugé que «
la charge financière de l’obligation d’achat
dont bénéficient les installations utilisant l’énergie mécanique du vent est, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, répartie
entre un certain nombre d’entreprises, sans que des ressources publiques contribuent, directement ou
indirectement, au financement de l’aide ; qu’il est, par suite, clair que l’arrêté attaqué n’a pas institué une aide d’Etat
au sens des stipulations de l’article 87 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu’il en résulte que le
moyen tiré de ce que, en application du paragraphe 3 de l’article 88 du Traité, cet arrêté aurait dû être transmis à la
Commission européenne doit être écarté
» (
Conseil d’Etat, 9
ème
et 10
ème
sous-sections réunies, 21 mai 2003,
237466,
Rec. Lebon
).
Ainsi jusqu’en 2003, la qualification du dispositif d’achat ne faisait l’objet d’aucune difficulté
ou incertitude dans la mesure où il était clair que compte tenu de son mode de financement, ce dispositif n’était pas
constitutif d’une aide d’Etat. Au demeurant, cette position était parfaitement cohérente avec la jurisprudence de la
CJUE comme a tenu à le rappeler le Conseil d’Etat en citant un large passage de l’arrêt PreussenElektra AG
(
CJCE, C-379/98, 13 mars 2001) aux termes duquel «
une réglementation d’un Etat membre qui, d’une part, oblige
des entreprises privées d’approvisionnement en électricité à acheter l’électricité produite dans leur zone
d’approvisionnement à partir de sources d’énergie renouvelables à des prix minimaux
supérieurs à la valeur
économique réelle de ce type d’électricité et, d’autre part, répartit la charge financière résultant de cette obligation
entre lesdites entreprises d’approvisionnement en électricité et les exploitants privés des réseaux d’électricité situés
en amont ne constitue pas une aide d’Etat
».
… / …